La condamnation et la peine de 20 ans d’emprisonnement prononcés le 9 août à l’encontre de Succès Masra, dirigeant du principal parti de l’opposition tchadienne, sont l’aboutissement d’un procès fondé sur des accusations à caractère politique, a déclaré l’ONG Human Rights Watch (HRW) ce mardi 12 août, dans un communiqué.
Le tribunal pénal de N’Djamena a reconnu ce fervent détracteur du président Mahamat Idriss Deby Itno, coupable de « diffusion de messages à caractère haineux et xénophobe » et de « complicité de meurtre » lié à un conflit intercommunautaire, rappelle l’organisation de défense des droits humains.
Selon le directeur pour l’Afrique centrale à HRW, Lewis Mudge, « la peine infligée à Succès Masra envoie un message effrayant aux détracteurs du gouvernement et illustre l’intolérance du gouvernement tchadien à l’égard des critiques et des partis politiques d’opposition. »
L’ancien Premier ministre Succès Masra avait été arrêté le 16 mai et accusé d’incitation à la haine et à la révolte à travers des publications sur les réseaux sociaux après que des affrontements intercommunautaires ont fait 42 morts le 14 mai à Mandakao, dans la province du Logone Occidental, située dans le sud-ouest du pays.
L’ONG HRW avait alors condamné cette arrestation, considérée comme « une manœuvre politique qui risque de replonger le Tchad dans l’instabilité».
Le tribunal a également infligé une amende d’un milliard de francs CFA (environ 1,8 million de dollars américains) à l’opposant politique tchadien qui a été jugé aux côtés de 74 autres personnes, tous accusés de collaboration dans les tueries de Mandakao et certains condamnés à 20 ans de prison.
L’organisation de défense des droits humains note que la condamnation de Succès Masra intervient dans un contexte de rétrécissement de l’espace politique au Tchad, et attire l’attention sur le fait que les tribunaux ne devraient pas être utilisés à des fins politiques.
« La condamnation de Succès Masra a anéanti les espoirs d’une véritable opposition politique et d’un système judiciaire indépendant au Tchad », a déclaré Mudge, ajoutant que « les partisans régionaux et internationaux du Tchad devraient dénoncer ce jugement motivé par des considérations politiques et exhorter les dirigeants du pays à tenir leur promesse de réforme démocratique».