Algérie-Purge : L’emprisonnement de Nasser El Djinn lève le voile sur une guerre destructrice entre les généraux

Quelques semaines après son limogeage le 22 mai dernier, Abdelkader Haddad, alias Nasser El Djinn, ancien patron de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) algérienne, a été jeté en prison, rejoignant ainsi les nombreux hauts gradés déjà incarcérés. Il devient  ainsi, le cinquième ancien patron de la puissante direction de la sécurité et du renseignement intérieurs et du contre-espionnage, à croupir derrière les barreaux, aux côtés de Bouazza, Bouzit, Othmane et Boubekeur.

Ancien bourreau de la décennie noire, connu pour sa brutalité, Nasser El Djinn avait été réhabilité en 2021 par le président Abdelmadjid Tebboune et le chef d’état-major Saïd Chengriha,  qui l’ont nommé à la tête du tristement célèbre centre de Ben Aknoun, poste dans lequel il s’était distingué par ses méthodes violentes et expéditives, notamment l’exécution d’opposants sans procès.

Son ascension éclair vers la DGSI, bien qu’inadéquate vu son profil et son passé sombre, s’inscrivait dans une logique de terreur de l’État. Son incarcération, bien qu’attendue, reste entourée de zones d’ombre. L’arrestation de Nasser s’inscrit dans une vaste purge qui s’opère dans les hauts rangs de l’armée algérienne depuis 2020, ciblant particulièrement les proches lieutenants de l’ancien chef d’état-major, le défunt Ahmed Gaïd Salah.

Ces derniers ont été méthodiquement remplacés par d’anciens cadres du Département du renseignement et de la sécurité (DRS), remis en selle après la mort de Gaïd Salah. Mais même ces revenants, comme Djebbar M’henna ou Nasser El Djinn, tombent à leur tour en disgrâce après avoir accompli la mission qui leur était assignée par le vieux général Chengriha et son sous-fifre Tebboune.

Nasser El Djinn, connu pour traîner un sinistre passif de criminel sanguinaire durant la décennie noire (1992-2002), a été instrumentalisé ces quatre dernières années par Tebboune et Chengriha qui l’ont délibérément réhabilité et exposé publiquement, dans le but d’apeurer les Algériens de mater les opposants islamistes.

La valse des galonnés à la tête des services de renseignement est symptomatique d’un système sécuritaire en dérive : la DCSA (Direction centrale de la sécurité de l’armée) a changé quatre fois de directeurs en trois ans, la DGSI compte deux patrons emprisonnés et le DRS (Département du renseignement et de la sécurité) qui a vu défiler en quatre ans à sa direction, six généraux, dont le puissant et impitoyable général Mohamed Mediène, alias Toufik (1990 – 2015).

Ce turn-over effréné fragilise les services de renseignements militaires, plonge les officiers de l’armée dans la peur constante, et affecte lourdement leur efficacité. Dans ce climat délétère, l’armée algérienne se désagrège lentement. Les luttes internes, les règlements de comptes et l’absence de confiance sapent toute hiérarchie au sein de la grande muette.

Pour des observateurs indépendants, il ne fait guère de doute que cette instabilité chronique finira par emporter le duo au pouvoir Tebboune et Chengriha qui semblent incapables de maîtriser les démons qu’ils ont aidé à reprendre du service.